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  • marinegauvain

Vivre autrement


.... ce n'est pas si facile.



Juillet 2022. Je vais rendre visite à une amie en Bretagne, près de Fougères. Une colocation sur un immense terrain, avec un verger de pommiers, tous de variétés différentes, des châtaigniers, des tilleuls, un grand champ, un potager vivace qui se mélange avec les adventices. Une maison typiquement bretonne accueille la salle de musique, la cuisine et la salle de bain. Son propriétaire, comme les autres colocataires, vit sur le terrain, en caravane. Pour lui, l'important, c'était surtout le terrain. La nature. Vivre avec peu, mais bien.

Les toilettes sèches sont très jolies, et à côté se situe les panneaux solaires qui alimentent une bonne partie de l'année la colocation en électricité. Une fois la nuit tombée, ils passent sur le réseau.

La yourte a attiré immédiatement mon regard quand j'ai atterri ici. Perdue dans le champ, pas encore fauché lorsque je l'ai dessinée, il ne manquait plus que des chevaux broutant non loin pour que j'aie une petite impression de Mongolie.


Tous les autres colocataires sont en caravane aménagée. Mon amie a intégralement tout changé à l'intérieur, souhaitant un espace hybride qui se transforme facilement au gré de ses besoins.

Pour moi, sa caravane, c'était un bonheur, et j'en étais franchement jalouse: elle a des fenêtres sur tous les côtés et allongée sur son lit voit donc la nature de partout. Quand elle a les fenêtres ouvertes et qu'on entend bruire les arbres, on a l'impression d'être dehors, parmi eux; Le chant des feuilles s'engouffre joyeusement dans son habitacle. Elle est comme sur un voilier ; mais son océan est le vert, sa houle le mouvement des branches battues par le vent.

Comble du luxe: le soir, quand elle lit, le coucher du soleil vient pile poil éclairer son livre. Là, il n'y avait plus rien à redire: meilleur que le meilleur des hôtels, j'étais dans un environnement cinq étoiles.



Elle souhaite construire un équivalent de yourte, mais en terre-paille.

Ils attendent que la préfecture dise oui.

Parce que, déjà, la préfecture, ça ne leur plaît pas, leurs caravanes et cette yourte. Ils auraient sans doute préféré qu'ils construisent du dur et du grand, ça aurait fait des impôts locaux en plus... et puis caravanes, ça fait pas un peu "gens du voyages"? "clodos"? non ça fait pas propre, tout ça, c'est dérangeant..

.Le maire, lui, a fermé ses yeux sur ses "habitations illégales", tellement il était content que des jeunes viennent s'installer dans sa commune. Il les soutient ; à la préfecture de décider....


Non loin, des terres agricoles ont été démolies par un lotissement. Les maisons, toutes des clones, se chevauchent presque, avec un tout petit bout de jardin sur le devant.

Partout quand je me promenais dans la campagne, je voyais des pancartes "Bientôt terrain à construire " "ici votre prochain logement".

L'agriculteur venu faire la fauche sur la coloc nous a appris que les mairies étaient prioritaires sur les terrains agricoles. Même pas les agriculteurs. je me suis complètement étranglée en apprenant ça. Rien à foutre de garder les terres cultivables pour eux, ou en faire des zones natures protégées, les loyers ça payent, ça ramène du monde, c'est bien. Puis faut bien loger tout ce monde, vous comprenez... les villages sont désertés, il y a plein de maisons vides, oui mais y a plein de terrains "vides" à la campagne, ça coûte moins cher de construire là bas, autant en profiter! et vous n'allez pas râler parce que ça fera des voitures en plus!

Nourrir les gens? La question ne se pose pas. On aura des usines fermes, où on cultivera tout de manière hors sols, c'est pas grave alors de dézinguer des champs, voyons. Et la biodiversité? mais ça rapporte pas, les vers de terre, les papillons, les abeilles, les chauve-souris...


Life is a business, si t'as pas compris ça, t'as rien compris, enfin!


Alors à l'heure de la pandémie Covid-19, du réchauffement climatique, de la disparition de la biodiversité, on ne trouve rien de mieux à faire que de continuer à bétonner et construire à tout va.

Et pendant ce temps là, des personnes comme mon amie et ses colocataires, beaucoup plus soucieux de leur environnement et de leur impact, se battent pour vivre autrement.

Parce que pour eux, il n'y a pas de life is a business qui compte.

Il n y' a que la vie.

Et elle n'a pas prix.



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